CAMEROUN , Une décentralisation de façade.
Pour ceux qui avaient encore des doutes, ils ont désormais la confirmation. Comme dans plusieurs autres domaines, la décentralisation au Cameroun est un leurre . Quand on regarde comment ce sont tenues les élections régionales et par la suite l’installation des conseils régionaux élus par les gouverneurs nommés mais bien avant la loi du code général des collectivités territoriales décentralisées au Cameroun, on est en droit de ce se demander ce qui a ou va changer ? Pourquoi a t-il fallu attendre 25ans si c’était pour aboutir au même résultat à savoir l’hypercentralisation du pouvoir.
En effet, on continue malheureusement au Cameroun de penser qu’il suffit de dire les choses pour qu’elles soient. Comme la democratie, l ‘état de droit, la décentralisation ne se décrètent pas . Ce n’est pas parce qu’on dit être un État unitaire décentralisé qu’on l’est par la force des choses. La démocratie, l’état de droit obéissent à des principes de base.
Pour ce qui est de la décentralisation qui nous concerne dans le cas de cette analyse, sa définition est précise : c’est un processus d’aménagement de l ‘Etat unitaire qui consiste à transformer des compétences administratives de l’État vers les collectivités locales visant à donner à ces dernières une autonomie sur plusieurs domaines notamment le domaine financier. Autonomie c’est le mot clé. Sur les domaines bien précis , les élus locaux doivent disposer d’une totale autonomie pour gérer leurs circonscriptions territoriales ; le pouvoir central n’est pas mêlé ,il joue tout au plus le rôle de régulateur. Or ,au Cameroun, on a fait semblant de décentraliser car en réalité, c’est toujours le pouvoir central qui contrôle tout . Les régions au Cameroun à l’état actuel des choses n’ont aucune autonomie ou si vous voulez aucun pouvoir. Celui qui décide en dernier ressort c’est encore le Gouverneur de région qui, faut-il le rappeler est nommé par le Président de la République. Au terme de l’article 72 portant sur la décentralisation au Cameroun, il est écrit : Article72 .-« A travers ses représentants à savoir (Gouverneurs, Préfets, Sous-préfets), l’Etat assure la tutelle sur les collectivités territoriales par le biais du contrôle de légalité ».Une disposition rédigée à la camerounaise pour entretenir le flou dans le rôle joué par l’Etat .
En effet, on doit distinguer la tutelle et le contrôle de légalité, on peut exercer le contrôle de légalité sans être la tutelle qui elle, relativise fortement l’autonomie de l’entité sous tutelle. Encore une fois de plus, il ne s’agit pas de jouer avec les mots, la loi camerounaise comme on peut le voir est fortement inspirée de la loi française qui elle, a beaucoup évolué, entretient une confusion calculée pour relativiser l’autonomie des régions. Quand on veut copier, il faut aller jus qu’au bout.
En France, depuis 1982, la tutelle a été remplacée par le contrôle de legalité. D’ailleurs, le terme « tutelle » dans la constitution française a été remplacée par contrôle administratif, car, pour contrôler, on a pas besoin de mettre les collectivités territoriales sous tutelle . Dans le cas du Cameroun, il est clair que le pouvoir central ne veut rien lâcher et le masque tombe très vite lorsqu’on arrive à l’article 76 de la loi sur la décentralisation au Cameroun. Il y est écrit : Article 76.-(1) « Par dérogation aux dispositions 74 et 75 ci-dessus, demeurent soumis à l’approbation préalable du représentant de l’Etat et transmis au responsable local du Ministère chargé des collectivités territoriales, les actes pris dans les domaines suivants :
_Les budgets, les comptes et les autorisations spéciales de dépenses ; les emprunts et garanties d’emprunts ;
_Les conventions de coopérations internationales, les affaires domaniales ;
-Les conventions relatives à l’exécution et au contrôle des marchés publics, sous réserve des seuils de compétence prévus par la règlementation en vigueur ;
-Le recrutement du personnel suivant les modalités fixées par voie règlementaire » Ce qui revient à dire que le Président du conseil n’a aucun pouvoir, c’est toujours le Gouverneur qui n’est plus là seulement pour le contrôle de légalité ou le contrôle administratif puisque même pour recruter son personnel, le Président de région doit obtenir son accord au préalable.
Quand on sait que dans le principe, le Président de région est élu et doit par conséquent rendre compte directement à ses électeurs et le Gouverneur nommé rend compte à celui qui l’a nommé , on s’imagine là le niveau de cacophonie , blocage, bref d’inertie qui va s’installer. Si on ajoute à cela le fait que les Secrétaires Généraux des régions sont nommés par le Président de la République, tenez vous bien, sur proposition du Ministre de la Décentralisation, on comprend très bien qu’on est face à une décentralisation en trempe l’œil puisque dans le fond rien n’a changé, la régionalisation du Cameroun a juste permis de récompenser des partisans et des courtisans avec des postes sans consistance et augmentent inutilement le train de vie de l’Etat sous le regard parfois complice mais surtout impuissant des populations
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