Retour du concept de souveraineté médiatique : Le Burkina Faso prend les rênes.
L’actualité récente a vu le Burkina Faso interdire la diffusion de l’émission “Bachelor” sur son territoire. Ce geste marque un tournant significatif dans la lutte pour la souveraineté médiatique en Afrique. En effet, il est impératif que le continent cesse d’être perçu comme une poubelle médiatique mondiale, où des contenus qui nuisent à nos cultures, nos valeurs et nos intérêts sont diffusés sans scrupules.
Cette décision du Burkina Faso s’inscrit dans une dynamique plus large que l’on observe actuellement au sein des pays de l’Alliance des États du Sahel (AESA), comprenant le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Ces nations ont déjà pris des mesures contre les médias français tels que RFI, France 24 et TV5Monde, en suspendant ou arrêtant définitivement leur diffusion. Cela révèle un désir croissant de contrôler ce qui est diffusé sur leur territoire, un acte nécessaire pour préserver la culture et les valeurs africaines.
Dans le monde entier, ce sont les États qui déterminent quelles chaînes peuvent diffuser sur leur territoire. Ce principe est particulièrement respecté dans des pays comme la Chine, l’Iran et même la Corée du Nord. Pourquoi, alors, devrions-nous laisser notre opinion publique être manipulée par des médias étrangers qui ne partagent pas nos valeurs ni notre vision ? Qui contrôle les médias contrôle l’opinion publique d’un État, et il est temps pour l’Afrique de revendiquer son droit à la souveraineté médiatique.
Dans mon livre, « Médias comme instruments de politique étrangère en Afrique : Analyse de la guerre informationnelle », j’explore cette dynamique. Je dénonce l’idée répandue selon laquelle les médias internationaux et les ONG opérant en Afrique agissent de manière neutre et désintéressée. En réalité, ces entités sont souvent les porte-voix d’agendas étrangers. Elles reçoivent des financements qui dictent leur ligne éditoriale, servant ainsi les intérêts de puissances extérieures. Cet agenda, camouflé, vise à maintenir le chaos en Afrique, à justifier la présence militaire étrangère dans les conflits, et à promouvoir des idéologies qui ne sont pas toujours alignées avec nos aspirations.
Pourtant, la montée de médias panafricains, l’acquisition par les États africains de satellites et d’infrastructures de communication modernes, ainsi que l’essor des réseaux sociaux, offrent des opportunités inédites. Ces outils peuvent devenir des leviers puissants pour contrer cette forme de néocolonialisme médiatique.
Le récent décret du Burkina Faso concernant l’interdiction de l’émission “Bachelor” ne doit pas être perçu simplement comme une réaction isolée, mais comme une étape vers la réaffirmation de notre souveraineté médiatique. C’est un premier pas vers une Afrique qui choisit de raconter sa propre histoire, de contrôler son propre narratif, et de défendre ses valeurs face à l’influence extérieure.
Il est essentiel que les pays africains continuent sur cette voie. La lutte pour la souveraineté médiatique est un combat pour l’identité et l’autodétermination. En mettant fin à la diffusion de contenus qui vont à l’encontre de nos valeurs, nous commençons à construire un espace médiatique qui nous représente vraiment et qui sert nos intérêts collectifs.
Nous devons nous engager dans une réflexion collective sur ce que signifie véritablement la souveraineté médiatique. Le chemin est encore long, mais des initiatives comme celle du Burkina Faso ouvrent la voie à un avenir où l’Afrique ne sera plus la victime des manipulations médiatiques. Ensemble, nous pouvons travailler pour bâtir un paysage médiatique qui respecte et célèbre notre diversité, notre culture et notre histoire.